Homélie de Pâques 2023

Homélie Pâques 2023

Année Saint François

Les mauvaises herbes et le feu

« il n’y a peut-être rien à faire … ». C’est la réponse de Claire d’Assise au Poverollo (Saint François) qui se demande ce qu’il doit faire. Il arrive amaigri et le visage terreux de son ermitage caché dans la montagne. Il vient de vivre de longs mois terribles de solitude. On lisait sur son visage une immense souffrance.

Pourquoi cet homme jadis joyeux et plein de vie a-t-il sombré dans une telle déprime ? Pourquoi ses yeux ne reflètent-ils plus rien si ce n’est une grande fatigue et une immense angoisse

François s’inquiète pour cette grande famille que Dieu lui a donnée : déjà plus de 5 000 frères l’ont rejoint pour épouser « Dame Pauvreté » et se sont consacrés à Dieu avec lui. Les débuts de cette fraternité ont été lumineux et emplis de fraicheur… mais voici que des frères tardivement arrivés dans l’ordre et influents remettent en cause la règle de François. Désireux du pouvoir, ils contestent la radicalité de François et pensent qu’il faut à la fraternité des beaux bâtiments pour rivaliser avec les autres ordres religieux et qu’il est quand même nécessaire de posséder des biens. François se sent trahi et voit que l’idéal du début est oublié. Il sent même qu’il fait honte à ses frères… Alors le Poverello s’efface et se retire dans la solitude de son ermitage.

Et le voici qui, malgré sa fatigue et ses yeux bien douloureux, rejoint le monastère de Claire, installé près de la petite église de Saint Damien. Là-même où il entendit la croix lui demander de réparer son Eglise.

Le cœur de Claire se déchire en apercevant et en écoutant celui qui, de 11 ans son aîné, l’a accueilli dans les bois, alors qu’elle s’enfuyait de sa famille pour vivre dans la pauvreté comme François. Elle préfèrerait se taire mais elle sent qu’elle doit parler à son maître spirituel :

« il n’y a peut-être rien à faire… Vous savez ce que le Seigneur dit dans l’Evangile : « il en est du Royaume de Dieu comme d’un homme qui a semé du bon grain dans son champ… » Le blé a levé, mais l’ivraie aussi. Et les serviteurs sont venus demander à leur maitre s’ils ne devaient pas s’employer activement à arracher l’ivraie. « N’en faites rien, leur fût-il répondu. Vous risqueriez de tout arracher, et l’ivraie et le blé. Laissez-les donc croitre ensemble jusqu’à la moisson… Dieu ne partage pas nos craintes, ni notre fierté ni notre impatience. Il sait attendre comme Dieu seul sait attendre. Il est longanime et miséricordieux.  Il espère toujours. Jusqu’à la fin. Peu importe que des tas d’ordures s’amoncellent dans son champ et que cela ne soit pas beau à voir si, à la fin du compte il ramasse beaucoup plus de blé que d’ivraie …. Il peut changer le cœur des hommes … Le cœur de Dieu ne bat pas au même rythme que le nôtre » (1)

Les mots de sœur Claire touche François : « Vous avez raison, sœur Claire. Mon trouble et mon impatience partent d’un fonds trop humain. Je le vois bien. Mais je n’ai pas encore découvert dieu. Je ne vis pas encore dans le temps de Dieu » (1)

Nous nous désolons parfois de tant de mauvaises herbes dans nos vies, nos familles, dans l’Eglise.. Nos cœurs se troublent et s’attristent. Et, désemparés, nous nous demandons ce que nous devons faire … Il n’y a peut-être rien à faire dans l’immédiat. « Juste » entrer dans le temps de Dieu, nous dit Claire ! Non pas pour fuir la situation… non pas pour s’évader… mais pour l’envisager dans le temps de Dieu, dans la Lumière de Pâques !

Sœur Claire reprend, après un temps de silence :

« Supposons que l’un des sœurs de cette communauté vienne s’accuser d’avoir cassé quelque objet par suite d’une maladresse ou d’un manque d’attention, je lui ferai sans doute une observation et lui donnerais une pénitence comme il est d’usage. Mais si elle venait me dire qu’elle a mis le feu au monastère et que tout est brulé ou presque, je crois qu’à ce moment-là, je n’aurais rien à lui dire. Je me trouverais devant un évènement qui me dépasse. La destruction d’un monastère, c’est vraiment là une trop grosse affaire pour que j’en sois troublé profondément. Ce que Dieu lui-même a bâti ne saurait tenir à la volonté ou au caprice d’une créature. C’est autrement solide » (1).

A nouveau, les mots de Claire éclaire François qui déclare ; « l’avenir de cette grande famille que Dieu m’a confiée, c’est assurément une trop grande affaire pour que cela dépendre de moi seul et que je m’en préoccupe au point d’être troublé. C’est aussi et surtout l’affaire de Dieu. Vous l’avez bien dit. Mais priez pour que cette parole germe en moi comme une semence de paix » (1).

Priez pour nous aussi, sœur Claire, quand des incendies ravagent ce que nous avons construit, ce qui nous semblait solide et nous rassurait …. Redites-nous que c’est surtout l’affaire de Dieu pour que nous ne soyez pas troublé profondément… Faites-nous entrer dans l’Espérance apportée par la Résurrection du Christ !

 

  1. Sagesse d’un pauvre Eloi Leclerc Desclée de Brouwer pages 62 à 65

Article publié par emmanuel canart • Publié le Dimanche 07 mai 2023 - 19h42 • 287 visites

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