Dimanche 6 février 2022
Orchies 5 TO Année C
Vous l’avez compris : le jeune Isaïe a entendu l’appel de Dieu à devenir prophète mais il tremble à l’idée de répondre oui. Il hésite car, dit-il, « je suis un homme aux lèvres impures ! » Et il ajoute même : « j’habite au milieu d’un peuple aux lèvres impures ».
Je vous déconseille dire cela à Dieu car aussitôt, un ange s’approche avec un charbon de bois brûlant (pris avec des pinces – les anges n’aiment pas se brûler les doigts !) et l’applique sur les lèvres d’Isaïe. Isaïe peut alors partir en mission proclamer la Parole de Dieu (pas facile avec des lèvres brûlées !)
J’aimerais vous parler de nos lèvres, de ce qui sort de notre bouche, de nos langues !
Esope (écrivain grec) disait déjà 6 siècles avant JC : « la langue est la meilleur et la pire des choses ! »
La Bible manifeste la même méfiance par rapport à ce qui sort de notre bouche. Elle reconnait que la langue et les lèvres peuvent bénir … mais que « Mort et vie sont au pouvoir de la langue » Proverbe 18
Elle nous met en garde : « C’est un serpent, un rasoir effilé, une épée acérée, une flèche homicide » et « heureux qui n’a jamais péché par la langue »
Le livre de l’Ecclésiastique (26) devient même désabusé : « c’est un don du Seigneur qu’une femme silencieuse et sans prix la femme bien élevée ! »
Je sens que je dois me rattraper ! Dans le livre des Proverbes (20), on critique aussi les hommes : « Le vin rend l’homme moqueur, l’alcool le rend bruyant. Celui qui en boit trop ne sera jamais un sage » Apparemment, le pire est un homme ou une femme qui ont bu et qui sont bavards ! C’est d’ailleurs souvent le cas !
La Parole de Dieu nous questionne aujourd’hui sur ce qui sort de notre bouche.
Le pape François dénonçait dans une homélie du matin, dans la chapelle Sainte Marthe (septembre 2015) : « les rumeurs et autres médisances si facilement colportées par les chrétiens eux-mêmes n’étaient rien d’autre que le fruit de volontés « meurtrières » de la part de leurs auteurs.
Prenant l’exemple de l’arrivée d’une nouvelle personne au sein d’un groupe, François a regretté que « le premier jour, les gens parlent bien d’elle ; le deuxième, pas si bien ; et à partir du troisième, des ragots et des médisances commencent à se répandre et finissent par la détruire ». « Ceux qui, dans une communauté, colportent des ragots sur leurs frères, ou les autres membres de la communauté, veulent les tuer ».
« Combien de fois nos communautés, et même nos familles, sont devenues un enfer dans lequel nous tuons, tels des criminels, notre frère avec des mots ! »… « En ces jours où nous parlons si souvent de la paix, nous voyons les victimes des armes, mais nous devons aussi réfléchir à nos armes quotidiennes : la médisance et les ragots, a souligné le pape François. Toutes les communautés doivent vivre avec le Seigneur et être ‘comme au Ciel’. (…) Pour que la paix règne dans une communauté, dans une famille, dans un pays, dans le monde, nous devons être avec le Seigneur. Et là où est le Seigneur, il n’y a pas d’envie, il n’y a pas de criminalité, il n’y a pas de haine, il n’y a pas de jalousies. Il y a la fraternité. » « Que cela soit notre prière au Seigneur : ne jamais tuer notre voisin avec des mots », a insisté le Pape avec force.
Saint François de Sales allait jusqu’à dire (à Philothée, une de ses dirigées) : « Le médisant par un seul coup de sa langue, fait ordinairement trois meurtres : il tue son âme et celle de celui qui l’écoute, d’un homicide spirituel, et ôte la vie à celui duquel il médit »
J’appelle à l’aide Socrate, ce vieux philosophe grec
L’un de ses disciples arriva en étant extrêmement agité. Il raconta au philosophe qu’il était tombé sur l’un de ses amis et que ce dernier lui avait parlé de Socrate en des termes très malveillants.
En entendant cela, Socrate lui demanda de se calmer. Après avoir réfléchi un instant, il lui demanda d’attendre une minute. Avant d’entendre ce qu’il avait à lui dire, le message devait passer par trois filtres nécessaires. S’il ne passait pas ces filtres, cela voulait dire que le message n’était pas digne d’être écouté.
Comme à son habitude, le sage grec posa une question à son disciple très anxieux. Cette question était : “Es-tu absolument certain que ce que tu vas me dire est vrai ?”. Le disciple réfléchit un moment. En réalité, il ne pouvait pas être sûr que ce qu’il avait entendu pouvait être catalogué comme malveillant. C’était une question de point de vue. “Tu ne sais donc pas si tout est vrai ou non”, dit le philosophe. Le disciple dut admettre que non.
Ensuite, le grand maître grec lui posa une seconde question : “Ce que tu vas me dire, est-ce quelque chose de bien? ”. Le disciple répondit que, bien sûr, il n’y avait rien de bien dans ce qu’il allait dire. Bien au contraire. Ces mots, selon lui, lui causeraient du mal-être et de l’affliction. Socrate signala alors : “Tu vas me dire quelque chose de mal, mais tu n’es pas totalement sûr que cela soit vrai”. Le disciple admit que c’était le cas.
Pour terminer, Socrate devait lui poser une troisième question, et c’est ce qu’il fit. Il lui dit : “Ce que tu vas me dire à propos de mon ami va-t-il me servir?”. Son disciple hésita. En réalité, il ne savait pas si cette information lui serait utile ou non. Cela l’éloignerait probablement de son ami. Or, si l’on ne savait pas s’il s’agissait de la vérité ou non, le savoir était peut-être inutile.
L’anecdote des trois filtres de Socrate raconte qu’après cela, le philosophe refusa d’écouter ce que son disciple voulait lui dire. “Si ce que tu souhaites me dire n’est ni vrai, ni bon, ni utile, pourquoi voudrais-je le savoir ?”.
A un pénitent qui s’était confessé de médisances, Saint François de Sales donna comme pénitence de plumer une poule, d’aller disséminer les plumes dans les rues de la ville et de revenir le voir. Le pénitent obéit un peu dubitatif et retourne voir le saint qui lui demande alors d’aller récupérer les plumes : « impossible, le vent les a emportées ! » Et le Saint de lui répondre : « oui, comme vos paroles médisantes ont été emportée et impossible de les récupérer »
Convertissons-nous avant que les rues d’Orchies soient envahies de plumes !