Retours sur la conférence sur le conflit en Ukraine

Dans la soirée du vendredi 24 juin, un auditoire important s’est retrouvé en la salle des fêtes de l’hôtel de ville à Orchies pour entendre Alain Veron, général de corps aérien, sur la situation politico-militaire voire religieuse en Ukraine et au-delà l’

 

 

Pour le simple quidam que je suis, l’Ukraine ne m’est pas inconnue ayant depuis ma plus tendre enfance et de par maman, des attaches familiales au sein de ce pays. Toutefois, cela n’a jamais dépassé le cadre exclusif de la famille. Aussi, le très riche et détaillé exposé du général m’a vivement intéressé. Au travers d’extraits repris in-extenso dans un exposé très technique, j’ai essayé de comprendre comment on en est arrivé là et les conséquences sur notre quotidien. 

Le président Poutine comme tout russe est slavophile. La  pensée spécifique slavophile  se résume à : «  L’Occident est dévoyé et décadent, en raison de son rationalisme et de son matérialisme. ».  Le slavophilisme est donc  un sentiment russe historique, de supériorité spirituelle et morale face à l’Occident. Dans cet esprit, perdre l’Ukraine, c’est une coupure inconcevable car, le royaume de Kiev  est à l’origine de la Russie. C’est ainsi que la Russie est dans une guerre interne de sécession avec une Ukraine laquelle est dans une guerre d’indépendance  bénéficiant de l’appui/soutien du monde occidental :

- Sécession du berceau du monde russe car le sort de la Russie s’est joué beaucoup en Ukraine. Polonais et Allemands ont été repoussés sur cette terre

- Sécession politique car le courant démocratique ukrainien est très dangereux pour la Russie

- Sécession  culturelle car l’ouverture vers le libéralisme, l’esprit critique, la liberté de penser, sont inacceptables

- Sécession spirituelle car l’Église orthodoxe ukrainienne s’est affranchie de la tutelle du patriarcat de Moscou depuis 2018  et,  le schisme  a pris forme depuis mai 2022.  Sur ce dernier point de sécession, Julien Sauvé, diacre, nous a donné un éclairage sur l’église de Rome et celle de Constantinople ainsi que sur les patriarcats et leurs positionnements géo-politico-spirituels.

Soljenitsyne lui-même est marqué par le slavophilisme (cf discours d’Harvard de 1978) : «Non, je ne prendrai pas votre société comme modèle pour la transformation de la mienne. »  Mais, dans son ouvrage, l’Archipel du Goulag  (5ème partie, chapitre 2), écrit en 1968 et publié en 1974, Soljenitsyne  anticipait la situation d’aujourd’hui :

« L'Ukraine et la Russie se confondent dans mon sang, dans mon cœur et dans mes pensées. Une longue expérience de contacts amicaux avec les Ukrainiens dans les camps (goulag), m'a montré à quel point ils ont une rancune douloureuse…. Nous devons prouver que nous sommes une grande nation, non pas par l'immensité de notre territoire ou le nombre de peuples dont nous avons la charge, mais par la grandeur de nos actes. Et, avec mesure, nous labourerons ce qu'il nous restera après la sécession des pays qui ne voudront pas rester avec nous. Avec l'Ukraine, les choses vont devenir extrêmement douloureuses….Comme il a été impossible de résoudre la question pendant des siècles, c'est à nous de faire preuve de bon sens. »

Dans cette guerre, les regards se sont portés tout naturellement vers le Vatican pour connaître sa position. Rome connaît toutes les pressions qui pèsent sur le patriarcat de Moscou, à savoir : l’ambiguïté d’une Église nationale  et l’instrumentalisation de la question religieuse dans ce conflit. Le pape François veut croire, envers et contre tout,  à la force d’un «dialogue désarmé» pour éteindre les conflits. Pour lui, parler avec tous n’est pas se compromettre.  Depuis seize mois, François est intervenu publiquement et à vingt et une reprises contre la perspective, la préparation, l’engagement et le cours de cette guerre. Tant en Russie qu’en Ukraine et à l’ONU, le Vatican a déployé de multiples actions diplomatiques. Le pape est allé voir l’ambassadeur de Russie à Rome. Il n’a jamais pris parti, ni pour l’Ukraine, ni pour la Russie, en raison de la tradition diplomatique de neutralité du Saint-Siège: dimension transnationale de cette diplomatie. Pour l’Eglise et pour le pape François, la cible est la guerre en tant que telle et non les pays en guerre. Le pape récuse le concept de légitime défense qui justifierait - quand toutes les ressources de la diplomatie ont échoué - une «guerre juste» dans la doctrine chrétienne. Dans son encyclique Fratelli tutti (octobre 2020), François assume un pacifisme absolu. Le recours aux armes est non justifiable, la négociation est reine. Le pape ne fait pas preuve d’angélisme (il sait qu’un pays attaqué se défendra). Mais, sciemment, à la politique militaire de réarmement, il oppose la doctrine pacifiste.  C’est, pour le moins, le rôle attendu d’un homme d’Eglise! « Il n’y a pas de guerres justes, toute guerre constitue une défaite pour l’humanité »Pape François (18 Mars 2022)

Nul doute que la période actuelle est très inquiétante pour la Paix. Il va nous falloir vivre avec un esprit d’économie et de résilience (un terme très à la mode de nos jours parlant de notre capacité de résister au choc). Il est possible qu’on quitte une longue période de facilité où beaucoup s’estimaient malheureux mais inconscients de ce qui se passait dans la vie des autres et ailleurs! Quand on regarde trop le bout de ses chaussures, donc quand on n’est pas conscient de son environnement, il y a, toujours, un risque de vertige et on tombe, quelquefois, de haut! Quand l'ennemi de nos libertés et de nos « valeurs des Lumières » franchit les lignes rouges, il faut savoir sacrifier un peu de notre confort immédiat pour l'arrêter ! C’est Charles De gaulle qui a dit: « Il y aura toujours une armée chez vous, si ce n’est pas la vôtre, ce sera celle de celui qui aura pris votre liberté »

Et, le général Alain Veron de conclure : « L’espoir, c’est souhaiter que quelque chose arrive. La foi, c’est croire que la chose va arriver. Le courage, c’est faire en sorte que ça arrive. Si chacun possède un peu de tout cela, alors, on pourra atteindre la Paix »

                                                                                                          Roger Roussel

Article publié par Paroisse Ste Marie en Pévèle Scarpe • Publié le Mardi 28 juin 2022 • 758 visites

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