2° Conférence Neuvaine Saint Cordon
Mardi 14 Septembre 2021
Saint Joseph, protecteur du Concile
J’imagine aisément la gêne de Saint Joseph le 1er mai 2021, fête de saint Joseph travailleur. Ce jour-là, la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, annonça que Saint Joseph pouvait désormais être invoqué sous 7 nouveaux vocables, dans les litanies en son honneur :
- Gardien du Rédempteur,
- Serviteur du Christ,
- Ministre du Salut,
- Soutien dans les difficultés,
- Patron des exilés, des affligés et des pauvres.
Saint Joseph avait déjà bien d’autres missions, augmentées au fil des siècles, … Il risquait le burn out !!!
Certes, longtemps, il n’a été reconnu que pour sa vertu de chasteté, entendue au sens de continence, faire-valoir de la virginité de Marie. On ne parle pas alors de « saint » Joseph. A l’époque, c’est la divinité de Jésus qui occupe la théologie et qui, pour cela, met en avant la personne de Marie.
Aussi pouvons-nous aujourd’hui lui confier nos familles et spécialement les jeunes, la moitié des 15-17 ans ayant déjà surfé sur un site pornographique, ce qui fut révélé en 2017 par un sondage Ifop pour l’Observatoire de la parentalité et l’éducation numérique (Open). La première visite d’un site porno est effectuée en moyenne à l’âge de 14 ans et 5 mois.
C’est à partir du XVème siècle, notamment dans la famille franciscaine que, tout en s’intéressant de plus en plus à l’humanité de Jésus , l’on commença à reconnaitre le rôle positif de Joseph. Il fut alors honoré pour son rôle bénéfique de père nourricier de Jésus et protecteur de la Sainte-Famille.
D’ailleurs, il est à noter que le « culte » de Saint-Joseph se développa en même temps que celui de la Sainte Famille.
- Pie IX, le 8 décembre 1870, par le décret Quemadmodum Deus de la Congrégation pour les rites, déclara Saint Joseph patron de l’Eglise universelle.
- Léon XIII publia le 15 août 1889 l’encyclique Quamquam pluries, du patronage de saint Joseph et de la très sainte Vierge Marie qu’il convenait d’invoquer à cause de la difficulté des temps.
- Pie X, en la date du 18 mars 1909, reconnut les litanies de saint Joseph.
- Benoît XV, le 25 juillet 1920, publia un motu proprio Bonum sane, dans lequel il invoquait saint Joseph comme soutien de l’effort de reconstruction après la guerre.
- Pie XI, le 19 mars 1936 donna saint Joseph comme modèle aux ouvriers, contre le communisme.
- Enfin , Pie XII, le 10 mai 1955, institua le 1er mai : fête de saint Joseph artisan .
Nous pouvons alors lui confier aujourd’hui, ceux qui souffrent, soit de leur travail ,soit d’un manque de travail
Saint Joseph est aussi Patron de la bonne mort parce qu’il a sauvé l’enfant Jésus de la mort tramée par Hérode et que, selon la tradition, il serait mort dans les bras de Jésus et de Marie.
- Nous pouvons donc lui confier, dans ce cas ceux qui sont morts durant le premier confinement sans avoir pu être entourés des leurs .
Et comme si tout cela ne suffisait pas, le pape Jean XXIII plaça le Concile Vatican II sous sa sainte protection.
- Il le fit particulièrement par la lettre apostolique « Le voci » (les voix) du 19 mars 1961, dans laquelle , il annonçait que l’autel de saint Joseph de la basilique Saint-Pierre devrait désormais revêtir une splendeur et une solennité nouvelles.
- En octobre 1962, il offrit son anneau papal (l’anneau du pêcheur) à saint Joseph, et le remit au sanctuaire polonais de Kalisz, où l’on vénère un tableau de saint Joseph réputé « miraculeux ».
- Le 13 novembre 1962, il introduisit enfin son nom dans le canon romain : [« S.S. Jean XXIII, après avoir déclaré saint Joseph protecteur du IIe Concile du Vatican convoqué par lui, a, de son propre mouvement, voulu que son nom soit invoqué dans le canon de la messe comme un souvenir et un fruit attendu de ce même Concile. »]
L’idée du concile et, plus tard, celle de le convoquer, attirera au pape Jean XXIII une pluie de critiques, y compris venant d’éminents cardinaux de la curie romaine. Beaucoup objectèrent son âge avancé, d’autres son audace à se risquer dans un concile de cette envergure et de cette complexité.
Le saint père raisonnera, sans les convaincre, ces « prophètes de malheurs ». Puis, un jour lassé de tant d’argumentations inutiles, il descendra de son trône et d’une main décidée, ouvrira grand la fenêtre, s’exclamant entre jubilation et indignation : « Voici ma réponse à propos du concile : “De l’air frais !” (de l’air frais pour l’Église) ». Le pape François ira plus loin en invitant carrément à « être en sortie », à « aller à la périphérie » !
La préparation du concile durera trois ans. Elle débutera l’année suivant son élection, en 1959. Le pape Jean, très enthousiaste, multiplia demandes d’enquêtes , d’études, de consultations et, surtout, de prière, de beaucoup de prière , pour le succès de cette entreprise, à travers toute la chrétienté.
Son secrétaire d’État, le cardinal Tardini, étonné de l’impressionnante préparation et du grand nombre, de l’importance des sujets à traiiter, traiter, lui dit un jour : « Votre Sainteté, avec tout ce bagage d’affaires à traiter, je crois que le concile ne pourra pas être inauguré en 1963, comme nous l’avions prévu ». Le pape Jean, très tranquille et toujours confiant en Dieu plutôt qu’en les hommes, lui répondit avec sérénité : « Eh bien, Éminence, si nous ne pouvons pas l’ouvrir en 1963, nous l’ouvrirons en 1962 ! ». Stupéfait,, le cardinal Tardini ne put que se taire devant un tel manque de logique !
Et il en fut ainsi : le concile ouvrit le 11 octobre 1962.
Quelles étaient donc les intentions du Pape Jean XXIII en ouvrant ce Concile qu’il décida de confier à Saint Joseph ? Elles purent être résumées en 3 mots : aggiornamento, développement, ressourcement. J’évoque spécialement l’Aggiornamento qui signifie : mise à jour, non pas au sens où l’Eglise aurait à s’adapter au monde, mais à adapter son langage aux besoins du monde d’aujourd’hui. Si le fond de la doctrine restait inchangé, la forme de son expression devait évoluer, comme sa sainteté Jean XXIII le rappela dans le discours d’ouverture : « Il faut que cette doctrine certaine et immuable, qui doit être respectée fidèlement, soit approfondie et présentée de la façon qui répond aux exigences de notre époque. En effet, autre est le dépôt lui-même de la foi, c’est-à-dire les vérités contenues dans notre vénérable doctrine, et autre est la forme sous laquelle ces vérités sont énoncées, en leur conservant toutefois le même sens et la même portée. »
Cette « mise à jour » consista également dans un changement de méthode ou d’attitude, rappelé dans le même discours : « aujourd’hui, l’Épouse du Christ préfère recourir au remède de la miséricorde, plutôt que de brandir les armes de la sévérité. Elle estime que, plutôt que de condamner, elle répond mieux aux besoins de notre époque en mettant davantage en valeur les richesses de sa doctrine. » En d’autres termes, il s’agit d’une volonté de réconciliation, de rapprochement de l’Eglise et du monde où l’on ne peut pas ne pas reconnaître la posture du pape François,
A l’ouverture au monde de Vatican II, François ajouta la proximité et le concile, comme le pontificat, furent mis sous le signe de la bienveillance. L’appel au patronage de saint Joseph peut être lu à cette lumière, lui qui a accueilli avec confiance la demande de l’ange et la situation de Marie, lui qui l’a accueillie au lieu de la condamner.
Un aggiornamento enfin que l’on peut comprendre comme la volonté d’articuler deux mouvements nécessaires l’un à l’autre : le dialogue et la réforme. L’Eglise de Jean XXIII veut entrer en dialogue (Paul VI dira qu’elle « se fait conversation »[1]) avec les non-catholiques, les non-chrétiens, les non-croyants, avec le monde moderne ; mais aussi en son sein, mettre en place une gouvernance en dialogue : la collégialité. Sur ce point aussi la filiation de François est patente : aucun pape n’a plus que lui cité ses frères évêques et les conférences épiscopales dans ses écrits.
Or, pour dialoguer, l’église doit se réformer.
Tout cela fut résumé par la formule d’un concile « pastoral », c'est-à-dire au service des hommes. Avec Vatican II et Jean XXIII, l’Eglise retrouva sa vocation première qui était de servir l’humanité, et non de la dominer, encore moins de la condamner. L’Eglise (re)devenait diaconale. La restauration du diaconat permanent dans ce cadre ne fut peut-être pas une coïncidence.
Avec vous, je confierai bien volontiers l’Eglise d’aujourd’hui à Saint Joseph !
Certes, l’Eglise de 1961 n’est pas comparable en tous points à celle de 2021, mais des rapprochements sont cependant possibles. Aujourd’hui autour de l’Eglise, c’est plutôt le règne de l’indifférence que de l’hostilité qu’on pouvait encore connaître au milieu du XXème siècle. Pendant ce temps, les effectifs de l’Eglise (fidèles et vocations) – au moins en France et en Europe – continuèrent de s’effondrer d’une manière impressionnante.
Confions donc à Joseph l’Eglise d’aujourd’hui qui semble parfois se décourager, surtout en Europe !
Un vicaire parisien écrivit ceci à son archevêque: « Pour un homme qui, se posant en dehors des préjugés et des intérêts, examine ce qui se fait avec son esprit et son cœur, il est de toute évidence que si nous continuons longtemps encore à traiter les choses de Dieu comme nous le faisons, la Religion est perdue à Paris et dans les diocèses environnant ». La suite de la lettre n’est pas plus gaie. Il évoque les parrains et marraines « qui doivent songer à s’informer de leurs moeurs et de leur foi, même de leur instruction ? Se demandent-ils seulement s’ils connaissent les prières essentielles qu’ils devront enseigner à l’enfant ?
Pas plus réjouissante non plus quand il parle du KT et de la première communion « alors, des parents qui ne croient à rien, car ils ne savent rien, se souviennent que jadis leur enfant fût apporté au saint baptême…. Ils l’envoient donc au catéchisme… « les enfants ont pleuré car on leur a dit que c’était le plus beau jour de leur vie… La comédie est jouée… Aussi les Pâques suivantes se passeront tout à fait sans que ces enfants songent à vous donner beaucoup de peine »… J’évite le passage sur la confirmation puis sur la confirmation qui sont du même « tonneau » …
En fait, cette lettre fut écrite en 1849 !!!!! De quoi relativiser nos problèmes actuels ! Mgr Garnier citait parfois ce texte…
Il est absolument nécessaire et tout fait urgent de regarder la réalité, avec courage, sans se voilier la face. Joseph a été l’homme du réel !
Au cours de la messe ouvrant, ce lundi 6 septembre, les visites ad limina des évêques du sud de la France à Rome, Mgr Robert Le Gall, archevêque de Toulouse, a encouragé ses confrères à continuer à « jeter leurs filets » malgré « ces temps de déséquilibre grave ».
« Nous n’intéressons pas beaucoup nos contemporains », a poursuivi l’archevêque, qui entame à Rome sa troisième visite ad limina. « Nous avons pêché toute la nuit sans rien prendre. C’est notre sentiment, c’est notre constatation amère, souvent », a-t-il ajouté.
Pour autant, ce sentiment d’amertume, cette tentation du découragement, ne doit jamais l’emporter, a exhorté le prédicateur. « Chaque jour, la parole de Dieu nous réveille et nous jetons à nouveau nos filets (…) Oui, dans nos diocèses, nous voulons continuer à jeter nos filets et à clamer que le Christ est l’espérance de la gloire. »
Oui , Joseph a quelque chose à nous dire en cette époque troublée. Il nous invite à l’humilité.
Ce n’est pas quand l’Eglise a été puissante qu’elle a le mieux parlé de Jésus. Il y avait de nombreux prêtres dans mon lycée catholique quand j’étais lycéen.. Peu de jeunes de ma génération sont dans les églises aujourd’hui !
Il y a une forme de nostalgie qui est davantage le retour à une Eglise puissante qu’à une Eglise qui parle bien de Jésus, davantage à une Eglise dominatrice qu’à une Eglise Servante, davantage à une Eglise vivant pour elle-même qu’à une Eglise existante pour les autres.
Je suis marqué de ce que le début de l’Eglise soit sur un âne, en fuite vers l’Egypte. Cet âne (ou son cousin) qu’on retrouvera aux Rameaux. Murmure dans mon cœur ce verset du psaume 32 : « Le salut d'un roi n'est pas dans son armée, ni la victoire d'un guerrier, dans sa force. Illusion que des chevaux pour la victoire : une armée ne donne pas le salut. Dieu veille sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son amour ».
Les chrétiens aujourd’hui ne sont pas sur des chevaux ni à la tête d’une armée. Mais fuyons l’illusion que des chevaux donnent la victoire. Avançons sur des ânes, comme notre Maître.
Je pense à Saint François d’Assise totalement abattu malgré l’expansion foudroyante de son jeune ordre religieux. Plus de 5000 frères au premier chapitre des Nattes. C’est que des frères nouvellement arrivés dans l’ordre remirent en cause la règle trop radicale de Saint François qui voulait avant tout, épouser Dame Pauvreté. Ces frères voulaient que l’ordre possède des bâtiments, et de beaux bâtiments pour rivaliser avec les autres ordres religieux.
Ce n’est pourtant pas une Eglise dominatrice pouvant rivaliser avec les autres institutions que Jésus avait voulue ! C’est une Eglise plus humble. Ce n’est pas un chef de guerre qui serait le protecteur de l’Eglise mais un humble artisan charpentier d’une ville dont on se demande ce qui peut sortir de bon.(réf.
Je pense à cette prière du Magnificat que nous récitons si souvent, et chaque soir à l’office des Vêpres. Avec Marie, nous exultons :
« Mon âme exalte le Seigneur, Et mon esprit se réjouit en Dieu, mon Sauveur,
il a dispersé ceux qui avaient dans le cœur des pensées orgueilleuses.
Il a renversé les puissants de leurs trônes, et il a élevé les humbles.
Il a rassasié de biens les affamés, et il a renvoyé les riches les mains vides..
Et si Dieu nous avait pris au sérieux ? Et s’il avait exaucé notre prière ? Quand nous Le chantons, avec Marie, dans le Magnificat, c’est pour le remercier d’avoir renversé ceux qui se pensaient puissants, ceux qui souffraient d’orgueil ou avaient « les mains pleines. »
Pourquoi nous plaindre aujourd’hui de vivre cette situation d’une église qui ne semble plus jouer son rôle, celui pour lequel elle a été instituée, fondée, notamment auprès des plus fragiles, des plus petits ? Le risque serait celui de la nostalgie, de l’amertume, de la tristesse. Le pape François lui-même le reconnait qui écrivit lors de l’ Angelus du 29 aout 2021) : « Se plaindre empoisonne, cela vous conduit à la colère, au ressentiment et à la tristesse, celle du cœur, qui ferme la porte à Dieu".
Je pense que notre Eglise doit entrer dans le temps de l’humilité et que Joseph peut être le meilleur guide possible !
Car le danger serait de se durcir, de se recroqueviller. Le risque serait d’oublier les intuitions du pape Jean XXIII !
Cette « mise à jour » consisterait également dans un changement de méthode ou d’attitude, rappelée dans le même discours : « aujourd’hui, l’Épouse du Christ préfère recourir au remède de la miséricorde, plutôt que de brandir les armes de la sévérité. Elle estime que, plutôt que de condamner, elle répond mieux aux besoins de notre époque en mettant davantage en valeur les richesses de sa doctrine. » En d’autres termes, il s’agit d’une volonté de réconciliation, de rapprochement de l’Eglise et du monde où l’on ne peut pas ne pas reconnaître la posture du pape François, A l’ouverture au monde de Vatican II, François ajoutera, en effet, la proximité.
Ce fut dons un concile et un pontificat mis sous le signe de la bienveillance. L’appel au patronage de saint Joseph peut être lu à cette lumière, lui qui a accueilli avec confiance la demande de l’ange et la situation de Marie au lieu de la condamner.
J’aime ce que dit Madeleine Delbrêl : « Il faut s’acharner à rendre l’Eglise aimable. Il faut s’acharner à éviter tout ce qui en elle, sans nécessité, rend son amour indéchiffrable. L’Eglise, il faut s’acharner à la rendre aimante »
Quant à l’ancien évêque d’Amiens, Monseigneur Jacques Noyer, il écrivait dans Le manteau partagé en1997 : « la dignité de son impuissance (celle de l’Eglise) demeure sa vérité. Surtout, qu’elle évite de s’agiter comme la mouche du coche pour se faire croire indispensable ! Qu’elle ne cherche pas trop vite un autre pouvoir d’un autre style plus efficace que le premier ! Qu’elle ne renonce pas à dire quelque chose au monde au risque d’être méprisée ! Qu’elle ne nourrisse pas quelques stratégies de revanche dans l’espoir de retrouver sa force ! »
Au deuxième jour de sa visite en Slovaquie, le lundi 13 septembre 2021, le pape François confia aux responsables catholiques sa vision de l’Église en Europe. Il ne s’agit pas, a-t-il martelé en substance, de s’abîmer dans la nostalgie, la défense des structures ou le regret du passé. « Le centre de l’Église n’est pas l’Église ! Sortons de l’inquiétude excessive de nous-mêmes, pour nos structures, pour la façon dont la société sympathise avec nous !
« L’Église n’est pas une forteresse, une puissance, un château situé en hauteur qui regarderait le monde avec distance et suffisance », lança-t-il en référence au château qui domine Bratislavaça
« Face à la perte du sens de Dieu et de la joie de la foi, il ne sert à rien de se lamenter, de se retrancher dans un catholicisme défensif, de juger et d’accuser le monde, insista-t-il. La créativité de l’Évangile est nécessaire. »
Je préfère une Eglise confiée à Saint Joseph plutôt qu’à Saint Michel qui est le patron des militaires parachutistes. Et j’avoue que suis inquiet de sentir parfois dans l’Eglise le désir de reconquête, de réoccupation de l’espace public, de voir certains aller jusqu’à rêver du retour d’une civilisation chrétienne (largement fantasmée d’ailleurs). Je crains aujourd’hui une Eglise qui serait autocentrée, comme en croisade !
Il faut donc de toute urgence confier à Saint Joseph le Concile Vatican II tel qu’il a été rééllement et non relativisé comme il semble parfois l’avoir été…
Le 16 juillet, le motu proprio du saint père, intitulé Traditionis Custodes surprit bon nombre de catholiques et d’observateurs par sa portée, en limitant drastiquement les célébrations de la messe traditionnelle selon les livres de 1962.
Désormais, les évêques ont pour mission de veiller « à ne pas autoriser la création de nouveaux groupes (traditionalistes) » et les missels post-Vatican II sont réaffirmés comme « l’unique expression » de la liturgie romaine.
Dans un communiqué publié le jeudi 2 septembre, Mgr Guy de Kerimel, évêque de Grenoble-Vienne défend le motu proprio du pape François et appelle les catholiques à l’unité face aux crises du monde et de l’Église. Selon lui, le problème auquel s’est attelé le pape François n’est pas la messe dite « tridentine » célébrée avec les missels en vigueur avant le Concile Vatican II en tant que telle mais l’usage qui en est fait. « Son utilisation est devenue une occasion de relativiser le Concile Vatican II, voire de prendre ses distances avec ce que les Pères Conciliaires et l’Esprit Saint ont décidé pour l’Église », s’inquiète l’évêque de Grenoble, faisant écho à la lettre du pape adressée à ses pairs. « Certains vont jusqu’à soupçonner [la messe ordinaire] d’invalidité », observe-t-il, jugeant l’affaire « grave ». « C’est ce qui circule sur les réseaux sociaux. » Finalement, il s’agit d’un problème d’ecclésiologie plus que de liturgie
« Face à ces inquiétudes légitimes, il nous faut plutôt nous attacher au Christ encore plus fermement et faire Corps, sous l’autorité du successeur de Pierre et des évêques successeurs des Apôtres, en communion avec le Pape, indique Mgr de Kerimel. Dans la tempête, rappelons-nous que le Seigneur est dans la Barque, et qu’Il est avec nous tous les jours jusqu’à la fin des temps. Ce n’est pas le moment de faire défection. »
Il devient également vital de confier à Saint Joseph une Eglise humiliée …
L’affaire des abus sexuels et autres dans l’Eglise nous marque profondément et nous humilie tous, plus particulièrement les prêtres. Je ne fais pas partie de ceux qui crient contre les journalistes et autres qui ont voulu faire éclater la vérité. Bien-sûr, il y a parmi eux des personnes qui veulent régler leurs comptes avec l’Eglise. Bien-sûr, il y a des ennemis du Christ et de l’Eglise, Bien-sûr, des francs-maçons, des témoins de Jéhovah et autres se sont engouffrés dans la brèche pour faire mal. Mais certains nous ont aidés à clarifier une situation que nous n’aurions pas osé éclaircir… Et c’est l’honneur de l’Eglise de France d’avoir créé cette commission indépendante, la CIASE pour faire la clarté, analyser le passé et faire des préconisations pour l’avenir.
En tant que vicaire général, j’ai été l’interlocuteur de cette commission venu scruter, avec délicatesse et souci de la vérité, nos archives depuis 1950… Notre diocèse n’est pas le plus atteint mais suffisamment pour que nous en soyons humiliés. Et l’Eglise de France le sera davantage encore quand la commission rendra prochainement son rapport final.
Une nouvelle fois, j’ai pu constater le danger du pouvoir incontesté, de l’autorité mal vécue… de la sacralisation de personnes …Il faut sûrement entendre la leçon que peut-être Dieu nous dicte à travers cette humiliation, sans la cacher derrière un voile hypocrite, sans rejeter la faute sur les autres, sans chercher à se justifier trop vite, sans comparer avec d’autres institutions qui n’ont pas encore fait la clarté sur leurs agissements…
Joseph nous aidera à traverser cette humiliation et à nous faire grandir en humilité. Il nous guidera à Nazareth, pour un long temps, j’en suis persuadé !
Confions enfin à Saint Joseph notre Eglise pour qu’elle soit de plus en plus trinitaire
C’est également ce que dit le pape François dans son exhortation apostolique Gaudete et exsultate, sur l’appel à la sainteté : « dans la sainte communauté qu’ont formée Jésus, Marie et Joseph, [où] s’est reflétée de manière exemplaire la beauté de la communion trinitaire. » On remarquera au passage que cette exhortation est datée du « 19 mars, Solennité de Saint Joseph, de l’an 2018 »
J’aime ce qu’écrit Dominique Maerten, diacre de notre diocèse qui m’a aidé pour écrire cette conférence : « On peut aller plus loin, en s’inspirant d’une définition de la Trinité qu’aimait à donner le père Garnier : dans la Trinité, la réussite de chacune des personnes, c’est de faire réussir les deux autres. Tel est le modèle de toutes nos communautés humaines et chrétiennes, à commencer par nos familles. Ce précepte s’applique parfaitement à la Sainte Famille : Joseph, par son effacement, permet à Marie d’être la mère de Dieu. Par son rôle paternel, il permet au fils de Dieu d’être vraiment homme et fils d’homme. Marie, par son « oui » permet au fils de Dieu de prendre chair Par son mariage, elle permet à Joseph d’être père et de participer intimement à l’Incarnation. Jésus permet à l’un et l’autre d’être saints. En effet Joseph comme Marie n’ont d’existence que par Lui. L’enfant sanctifie ses parents. »
Réussir les uns par et grâce aux autres ….
J’aimerais terminer par cette méditation du Pasteur Dumas, théologien français, professeur de philosophie et d'éthique à la faculté de théologie protestante de Paris. Influencé par la pensée de Karl Barth, il est spécialiste de Dietrich Bonhoeffer.
« Quand je pense à l’Eglise, je la voudrais telle qu’elle n’est pas : attirante, engageante, percutante, militante, sans doute aussi variée et universelle, secrète et évidente, riche et nourricière, pauvre et véridique, surprenante et solide. Bref, j’aimerais, mon Dieu, que Ton Eglise, qui est notre Eglise, m’offre tout ce que je ne lui donne pas.
Tu la connais aussi bien et mieux que moi cette Eglise qui fume souvent à peine comme une bougie épuisée. Tu la connais trop petite pour ta grandeur, trop grande aussi pour notre petitesse, une Eglise mal aimée et du coup mal aimante, une Eglise dont la fidélité devient répétitive et l’infidélité habituelle, une Eglise qui se paie de mots et qui contribue à enténébrer la vie de bons sentiments inutiles et d’accusations décourageantes.
Alors mon Dieu, fais que je cesse de blâmer l’Eglise, pour me dispenser moi-même d’y travailler. Fais que je cesse de lorgner ses déficiences, par le trou de sa serrure, pour me protéger moi-même de franchir sa porte. Fais que je quitte le banc des spectateurs et des moqueurs pour m’asseoir au banc des acteurs et célébrants. Car ainsi seulement je m’arrêterai de regarder Ton Eglise, qui est notre Eglise pour y vivre avec les autres. »
(André Dumas in Cent prières possibles Ed.Albin Michel)