Homélie 4 septembre 2022 Onésime

HOMELIE de la lettre de Saint Paul à Philémon

Imaginons  notre Philémon s’asseyant sur un banc devant sa maison, au soleil couchant qui éclaire encore la ville de Colosse. Ce notable riche et citoyen romain prend ses lunettes. C’est un ancien. Il a rencontré jadis Paul alors qu’il faisait une mission à Ephèse. Philémon s’est converti. Il deviendra même responsable de la communauté chrétienne à Colosse. Recevoir une lettre de Paul est pour lui une joie profonde.

Paul écrit cette lettre de Rome où il est en prison c'est-à-dire plutôt en résidence surveillée. Cette lettre est la plus courte du nouveau testament. Les premiers mots font sourire Philémon. Paul le félicite : « je remercie Dieu pour ton amour et ta fidélité ». Oui Philémon sourit car si Paul commence par le féliciter, c’est qu’il a quelque chose à lui demander !

Philémon est plus étonné car la suite est solennelle. C’est une prière de Paul : « je prie pour que ta communion dans la foi opère  en reconnaissant le bien qui est en nous à l’égard du Christ Jésus ». Philémon comprend que la demande qui va suivre est importante et il relit la prière de Paul. Ce dernier parle de communion dans la foi. Philémon retraduit pour lui-même ce que signifient ces paroles de Paul. « Si on a la même foi dit Paul - bien sûr qu’ils ont la même foi- et bien Philémon, tu dois croire que tous les disciples de Jésus sont associés à part égale à Dieu et que nous avons tous en commun l’amour de Dieu  ».  Probablement qu’à ce moment là, Philémon comprend que Paul va lui parler d’Onésime. Onésime, cet esclave sur lequel, comme citoyen romain il a droit de vie et de mort, Onésime son esclave a fui après l’avoir volé. La chose est courante, il y a même une section de recherche de l’armée romaine pour retrouver les esclaves en fuite. Ils sont alors punis par le fouet ou par les travaux forcés ou plus sûrement les deux. Le front de Philémon se fronce car il sait qu’Onésime qui a pris la fuite est parti se réfugier près de Paul. Ce qu’il ne sait peut-être pas, c’est qu’Onésime s’est converti et qu’il assiste Paul et qu’il est précieux dans l’évangélisation.

Philémon reprend la suite de la lettre : en effet Paul lui fait une double demande : « Onésime est devenu enfant de Dieu, il m’a servi, reçois le, accueille le car il revient vers toi non pas comme un esclave - il te faut l’affranchir -  mais comme un frère.  Il est de ta famille. Philémon est traversé par des sentiments très contradictoires. Comme romain, il sait qu’il a tout pouvoir sur son esclave, cet esclave  qui s’est enfui après l’avoir volé. Mais il comprend aussi les exigences de l’Evangile.

Philémon termine la lettre et  Paul accentue encore la pression. Il rappelle la prière qu’il a faite au début de sa lettre et voici ce que Paul écrit à Philémon : « reçois Onésime comme si c’était moi Paul. S’il t’a fait du tort, s’il te doit quelque chose, mets ça sur mon compte, je te rembourserai. En écrivant ces mots, Paul se situe comme le Christ qui paie la dette à la place de ceux qui ont fait mal.

Avant de terminer cette lettre par des mots plus affectueux : « prépare ma chambre, j’arrive dès que je serai libéré de prison », Paul met à nouveau une sorte de pression sur Philémon : « je suis sûr que tu feras tout ce que je t’ai demandé et que même  tu en feras encore plus ».

Laissons Philémon à sa méditation après cette lettre si forte de Paul et retenons pour nous trois points :

1° Le premier est une invitation à la cohérence « si tu crois à l’Evangile, toute ta vie doit en être changée. Si tu crois à la bonne nouvelle, il te faut croire qu’il n’y a plus ni juif, ni païens ni homme ni femme mais que nous sommes tous égaux, tous de la même famille et que nous devons nous recevoir les uns les autres comme des frères.

2° Un second point : nous sommes invités à comprendre que nous ne sommes le maître de personne. Bien sûr Philémon n’est pas le maître d’un esclave mais chacun d’entre nous n’est le maître de personne. Il y a tellement de façons de dominer, d’être maître des autres. Il nous faut définitivement renoncer à dominer à être le maître. Le seul maître c’est le Christ. On dit que Paganini, un prestigieux violoniste, qui jouait avec un violon coutant une fortune, à la fin d’un concert, s’est levé et a cassé son violon. Les spectateurs qui avaient applaudi après ce concert somptueux étaient stupéfaits mais notre violoniste réputé, explique qu’il a joué ce soir avec un violon ne coutant quasiment rien, acheté dans une brocante et qu’ils ont quand même applaudi. Et Paganini d’affirmer « c’est le maître, le maestro qui fait l’instrument » Seul Dieu est le Maestro qui fait de nous des miracles.

3° Dernier point pour ce soir si vous le voulez bien : il faut noter que cette courte lettre de Paul, cette lettre à Philémon, est la seul où Paul  ne parle pas de la mort et de la résurrection de Jésus. Un oubli : sûrement pas ! Mais ce que demande Paul à Philémon échappe tellement à la logique de l’époque, semble tellement déraisonnable que Philémon doit comprendre qu’il doit puiser dans sa foi dans la mort et la résurrection de Jésus, la force pour pardonner à Onésime et pour l’accueillir comme un frère.

La question qui pourrait nous être posée est bien celle-ci : posons-nous parfois des actes tellement étonnants tellement déroutants, tellement forts qu’implicitement ils annoncent la mort et la résurrection de Jésus ? Qu’ils ne peuvent s’expliquer que par notre foi en la mort et la résurrection même si nous ne l’exprimons pas ouvertement.

Article publié par emmanuel canart • Publié le Mardi 06 septembre 2022 - 18h23 • 541 visites

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