Homélie 12 octobre 2024 – demander le discernement
Il voulait absolument plaire aux filles. Mais voilà qu’un boulet de canon (français !) le blesse grièvement ! Il sortira vivant mais boiteux ! Nous sommes en 1521 ! Au siège de Pamplume, en Espagne !
Trouvant que c’est compliqué de plaire aux femmes avec une jambe devenue plus courte que l’autre, Ignace de LOYOLA demande à être réopéré malgré tous les risques ! En fait, ce sont plusieurs opérations vont se succéder …« une boucherie », notera sobrement Ignace le boiteux !
La plaie n’est pas que physique !!! l’amour propre de ce jeune espagnol est blessé car il voulait se couvrir de gloire en galvanisant les troupes espagnoles assiégées par les troupes de François 1. Et voilà est envahi par le vide intérieur, l’ennui, la peur de ne plus pouvoir séduire…
Pour tromper l’ennui de sa lente convalescence, il se fit apporter des lectures et demanda l’Amadis de Gaule, roman espagnol d’aventures amoureuses et belliqueuses. L’Amazon de l’époque lui livre 3 livres : celui commandé plus un recueil de Vies des Saints et par la Vie du Christ écrit par un moine chartreux.
Après les avoir tous lus, Ignace observe que la lecture d’Amandis de Gaule lui procure de la joie sur le moment mais qu’en s’évanouissant, elle lui laisse le cœur vide.
Tandis que la lecture des deux autres livres lui remplisse l’âme d’une joie qui demeure.
Et ces observations ont été le point de départ de la fameuse théorie du « discernement des esprits », qui remplira plus tard les Exercices spirituels.
Pourquoi parler de discernement dans cette homélie ?
Dans la 1° lecture, le livre de la Sagesse l’évoque : « j’ai prié et le discernement m’a été donné ! » (nb : prier pour avoir le don de discernement)
Et dans l’Evangile : le jeune homme manque de discernement pour répondre à la proposition de Jésus !
J’aimerais donner 7 repères Ignaciens (de saint Ignace) pour nous guider dans nos choix, nos discernements !
1° ETRE ATTENTIF A CE QUI SE PASSE EN NOUS
Il s’agit d’observer quels choix passés ou présents nous laissent un cœur vide après coup ou au contraire laissent nos cœurs en paix durable !
Dit autrement, repérer et distinguer ce qui génère à la longue tristesse, dégout, solitude, repli sur soi, amertume (Saint Ignace parlera de « désolations ») de ce qui laisse durablement de l’élan, du goût, la joie et la paix (« consolations »). Cette consolation est clairement le signe d’un choix selon le cœur de Dieu.
Je vous donne un exemple ! Gifler une personne qui nous a offensé procure une certaine satisfaction sur l’instant (« tu ne l’as pas volée ») ... mais procure ensuite gène, tristesse, regrets (« je ne me suis pas contrôlé »).
Certains concluent un peu vite qu’ils font la volonté de Dieu s’ils sont momentanément heureux d’une situation ; ou à l’inverse, si quelque chose est ardu, que ce n’est pas le chemin de Dieu !!!!
2° NE PAS SE LAISSER INFLUENCER PAR LES PENSEES MONDAINES
C’est tout simple (à comprendre en tous cas) ! Il s’agit de ne pas faire un choix parce que tout le monde fait cela ! ou parce que cela fait bien (dans mon milieu) de faire cela ! ou parce que on va me reprocher de ne pas l’avoir fait !
3° NE pas prendre de décision si on se sent VULNÉRABLE ou euphorique
Une personne ne peut pas prendre de sages décisions lorsqu’elle est envahie par des émotions fortes. Quand vous êtes dans un déséquilibre émotionnel, que vous broyez du noir ou que vous êtes confus, ne prenez pas de décision de manière impulsive. Les décisions prises dans ces moments sont toujours mauvaises, car les émotions sont de nature passagère et changeante. Attendez de retrouver le calme intérieur et de voir la situation de manière plus rationnelle. Les bons choix mûrissent dans le calme et la patience.
En sens inverse, ne rien décider dans l’euphorie, l’exaltation ..
Finalement, ne rien décider en haute pression ou en haute pression ! mais dans une altitude normale !
4° FAIre UNE LISTE DES AVANTAGES ET DES INCONVÉNIENTS MAIS PAS QUE !
Réfléchissez aux avantages et aux inconvénients de la décision que vous vous apprêtez à prendre et écrivez-les sur une feuille. De cette façon, vous verrez de manière claire laquelle des options envisageables prédomine le plus, et cela vous permettra d'avoir une vision plus réaliste et objective des possibles scénarios.
Mais Saint Ignace va plus loin ! Dans les fameux “Exercices spirituels”” (n°181), il n’évoque pas seulement les avantages et les inconvénients, il invite à lister d’une part “Les avantages et les profits” et d’autre part “Les inconvénients et les dangers”.
Les avantages : c’est bien maison peut s’en passer ; les inconvénients : c’est moins agréables (!) mais on peut les supporter.
Les profits surtout pour l’âme font grandir et il n’est pas bon de s’en passer, ils enrichissent la vie, spirituelle en particulier.
Les dangers mettent en péril : il peut y avoir danger de “mort”, spirituelle en particulier. Un seul danger peut mettre en péril les avantages et surtout les profits. Il importe alors de renoncer au projet de décision envisagé.
5 Adopter la SAINTE INDIFFÉRENCE
Il ne s’agit pas d’ignorer une personne ou de vivre comme si un évènement n’existait pas. Pour saint Ignace, la sainte indifférence est une manière de se détacher d’un choix à prendre, de manière provisoire, afin que le saint Esprit puisse souffler et vous diriger vers la meilleure décision. La sainte indifférence consiste à ne pas s’attacher à une option plutôt qu’à une autre et à laisser émerger la volonté de Dieu en soi. Lorsque vous renoncez à votre propre volonté, le désir qui demeure dans le cœur coïncide avec la volonté de Dieu.
Je vous donne un exemple qui n’est pas de l’indifférence : « n’est-ce pas Seigneur que j’ai raison de ne pas aller voir ma belle-mère dimanche !!! »
Dans le préambule aux Exercices spirituels « Principe et fondement), saint Ignace écrit :
« Pour cela il est nécessaire de nous rendre indifférents
à toutes les choses créées,
en tout ce qui est laissé à la liberté de notre libre-arbitre
et qui ne lui est pas défendu ;
de telle manière que nous ne voulions pas, pour notre part,
davantage la santé que la maladie,
la richesse que la pauvreté,
l’honneur que le déshonneur,
une vie longue qu’une vie courte
et ainsi de suite pour tout le reste,
mais que nous désirions et choisissions uniquement
ce qui nous conduit davantage
à la fin pour laquelle nous sommes créés. »
6° RENDRE GLOIRE À DIEU amdg !
Vous avez peut-être déjà vu ces quatre lettres AMDG dans des églises (mur extérieur de la chapelle de Raismes). Nous reconnaissons la devise des jésuites (fondés par Saint Ignace) : Ad Majorem Dei Gloriam = tout pour la gloire de Dieu (cf le psaume 115 qui a inspiré une autre devise, celle des Templiers "Non Nobis Domine, Non Nobis, Sed Nomini Tuo Da Gloriam")
Il s’agit de choisir l’option qui rendra le plus gloire à Dieu. En effet, c’est là la finalité de toute action explique saint Ignace (et non notre propre gloire) et c’est en cherchant la gloire de Dieu que la décision entre deux chemins sera plus facile à prendre.
7 s’ABANDONNER À DIEU
S’abandonner ne signifie pas du tout abdiquer mais de faire équipe avec Dieu qui sait ce qui est le mieux pour nous et recherche toujours notre bien-être. Faire notre part (de réflexion, de prière…) avant de prendre une décision, mais remettre tout entre Ses mains, parce que Lui seul à la bonne réponse.
Lui présenter ce qui nous préoccupe dans la prière et au bon moment, Dieu nous fera comprendre le bon choix.
« Agis comme si tout dépendait de toi, en sachant qu'en réalité tout dépend de Dieu » (cf. Pedro de Ribadeneira, La vie de saint Ignace de Loyola).