Homélie 7 TO C
Baptême de Paul
Miséricorde
Saint Bernard L’incident de Reims
Imagine, Paul !
Imagine que nous soyons au XII° siècle
Imagine la campagne, un chemin serpentant au milieu des champs
Imagine 3 ou 4 moines marchant dans le silence.
Parmi eux, Saint Bernard de Clairvaux. Les moines restent normalement dans leur abbaye. Mais lui est un fondateur : il est fondé l’abbaye de Vaucelles, près de Cambrai.
Continue à imaginer, Paul !
Les 3 ou 4 moines arrivent aux portes de la ville de Reims.
Et voici qu’un évènement inattendu surgit. Un convoi sort de la ville, entouré de curieux ! Saint Bernard et ses moines s’écartent pour laisser les soldats qui emmène un homme, la corde au cou. Ce malandrin va être pendu !
Et l’inouï se produit. Imagine ! Saint Bernard croise le regard de ce malandrin condamné à mort et bondit ! Il s’interpose et reprend la terrible corde des mains du soldat. C’est un autre destin qui attend cet homme, explique le moine avec assurance. Constant, c’est son prénom, est libre… Il deviendra moine pendant plus de 30 ans.
Plus la peine d’imaginer. Il nous faut maintenant comprendre ce qui s’est passé… et répondre aux questions qui naissent dans nos esprits.
Que s’est-il passé entre saint Bernard et Constant ?
Sûrement la même chose qu’entre Jésus et le jeune homme riche de l’Evangile : « Jésus le regarda et l’aima » nous rapporte l’Evangile de Marc (Marc 10.21).
Saint Bernard croise le regard de ce bandit de grands chemins et, malgré sa déchéance, y perçoit cette étincelle qu’aucun crime ne peut éteindre. Cette dignité irrévocable qu’aucun homme ne saurait jamais perdre ! Tout au long de sa vie, Saint Bernard expliquera que cette étincelle se nomme « l’image de Dieu » ! Que tout peut toujours recommencer et qu’il n’y a jamais rien de perdu pour toujours.
(cf Mgr Garnier : « avec Jésus, on n’arrive jamais trop tard et on ne vient jamais de trop loin »)
Paul, je ne sais rien des joies et des peines que tu connaitras. J’ignore les réussites et les échecs que tu vivras… Je prie pour que jamais tu n’oublies que cette étincelle divine ne s’éteindra en toi, quoiqu’il t’arrive !
Comment Saint Bernard a-t-il pu deviner que Dieu ferait ce miracle de transformer ce brigand en moine ? Etait-ce un coup de poker ?
Sûrement pas un coup de poker ! Croyons davantage que Saint Bernard avait fait la même expérience dans son âme et son corps. Il avait goûté en lui la douceur de Dieu, il parlera même de » la suavité de Dieu ».
Elle l’avait laissé comme renversé, sens dessus sens dessous ! Chamboulé par la Miséricorde de Dieu dont nous parlent les textes de ce dimanche. Et ce que Dieu a fait en lui, Saint Bernard, il peut le faire en ce condamné selon la justice des hommes.
Le moine le sait. Car « celui qui a vraiment rencontré l’amour, ou plutôt que l’amour a rencontré, celui qui a été retourné par l’amour de Dieu… possède des intuitions… des certitudes » (homélie à l’abbaye de Vaucelles de Don Louf, ancien père abbé de l’abbaye du Mont des Cats, Aout 1990).
Si nous manquons de patience entre nous, c’est sûrement parce que nous ne mesurons pas suffisamment la patience de Dieu pour nous-même.
Si nous critiquons les autres ou sommes durs, c’est parce que nous n’avons pas suffisamment goûté la suave bienveillance de Dieu pour nous-même.
Si nous n’espérons plus dans les autres, c’est parce que nous n’avons pas assez croisé le regard de Dieu sur nous.
Mais quand même, comment Saint Bernard peut-il faire preuve d’une telle audace ?
Son audace est bien sûr dans son intuition que cet homme peut devenir miracle de la Miséricorde de Dieu.
Mais elle est dans sa conviction intime que Constant est « mieux que quiconque préparé à la rencontre avec Dieu. Couvert de honte, certes déshonoré aux yeux de tous et à ses propres yeux, n’ayant plus ni amour-propre, ni prétention aucune ici-bas, le voilà mûr pour être ébloui par Dieu. Car ce n’est pas tant la vertu qui sauve mais bien la blessure de l’humiliation guérie par la grâce de l’humilité. Bernard l’a si souvent souligné. » Car il vaut mieux être humble pécheresse que vierge orgueilleuse !
Et Don Louf de conclure cette même homélie :
« Frères et sœur, près de neuf siècles après le passage de Saint Bernard en cette vallée de l’Escaut, son message est toujours aussi simple, aussi lumineux. Hors de la douceur de Dieu, personnellement reçue et savourée, hors de l’amour, aucun témoignage ne vaut ni ne tient. Au contraire, dans l’amour, tout est possible. Seul l’amour est digne de foi »